Charlotte 4B
Présentation de l'artiste
Comment t’appelles-tu ? As-tu un nom d’artiste?
Dans la vraie vie, je m’appelle Charlotte de Quatrebarbes, mais comme c’est un nom très long et qu’en plus, j’habite à l’étranger, les gens deviennent tout blancs quand ils doivent le lire à voix haute, et pour l’épeler, je ne peux même pas dire « Quatre, comme le chiffre 4 et barbes comme la barbe du Père Noël, avec un S à la fin, tout attaché ». Alors, pour mon travail d’artiste, j’ai choisi de me faire appeler Charlotte 4B. C’est plus simple pour tout le monde comme ça.
Que fais-tu ? Où as-tu grandi ? Comment ?
Je suis artiste photographe. Je fais des photos assez abstraites. J’aime bien essayer de véhiculer des émotions en composant avec mon environnement. Comme un peintre, je mélange les couleurs, j’utilise les matières et je compose avec les formes autour de moi pour créer mes images.
J’ai grandi à Boulogne, dans la région parisienne, jusqu’à mes 21 ans. Mais comme depuis, j’ai habité en Espagne, en Angleterre, un tout petit peu en Suisse et maintenant en Suède depuis deux ans, je me sens plus Européenne qu’autre chose.
L'art et les enfants
Etais-tu déjà « artiste » quand tu étais petite ?
Je ne sais pas si j’étais « artiste », en tout cas, pas spécialement plus que les autres enfants, qui, je crois, le sont tous.
En revanche, j’ai eu la chance de grandir dans une famille d’artistes, avec mon père peintre qui, depuis toutes petites (nous sommes 3 sœurs), nous asseyait sur ses genoux pendant qu’il peignait et nous laissait toujours ses couleurs à disposition. Ça sentait la peinture à l’huile chez nous et cette odeur me rappelle toujours mon enfance maintenant. Ma mère dessine et peint aussi, fait de la céramique, de la réfection de fauteuil, elle faisait de la couture avant aussi, et pleins d’autres trucs. Elle est très forte dans tout ce qui est manuel, très polyvalente. Je crois que c’est elle qui nous a rendu tout type d’activité manuelle disponible très facilement, parce que pour elle, c’est assez simple et elle a toujours plein d’idées pour faire des trucs, maintenant, tout de suite, avec ce qu’on a sous la main. Ils nous emmenaient presque toutes les semaines voir des expositions dans les galeries ou les musées parisiens. L’art était donc naturellement autour de nous, et c’est quelque chose de très présent quand je repense à mon enfance.
J’imagine que, grâce à cet environnement, c’est pourquoi j’ai toujours été très créative. Plus jeune, je dessinais beaucoup, je peignais, je faisais des sculptures en papier mâché, des petites figurines en terre, etc. Je me suis un peu éloignée de tout ça après le Bac, quand j’ai commencé mes études supérieures en Business et Marketing.
J’ai ensuite beaucoup cherché un terrain d’expression pour ma créativité, j’en ressentais vraiment le besoin, c’était quelque chose qui me manquait terriblement, et c’est finalement assez tardivement, vers 27 ans, que j’ai renoué avec la photographie. J’ai commencé par prendre des photos avec mon téléphone. Je m’efforçais à trouver quelque chose de joli chaque jour autour de moi. Petit à petit, mon regard s’est affiné, et, quand je suis passée à un vrai appareil photo, ma technique aussi. Et il y a trois ans, j’ai organisé ma première exposition de photographies. Depuis, j’en ai fait plein d’autres et c’est devenu mon métier.
As-tu des enfants ou travailles-tu avec des enfants? Qu’ont-ils de particulier ?
J’ai deux enfants : Alba, qui a presque 5 ans et Félix, qui en a 2 et demi. Nous faisons énormément d’activités manuelles ensemble. Alba adore ça, elle est très forte, elle appelle ça, « faire du bricolage ». Ce que je préfère, c’est quand c’est elle qui apporte les idées. Ça lui arrive de me brandir un rouleau de papier toilette et de me dire qu’elle voudrait en faire une voiture, ou de me tanner pour garder la boite du Boursin pour en faire un coffre à trésor. Parfois, on commence avec un projet, mais finalement, on finit avec un tout autre résultat. On se laisse porter. Félix aime la pâte à modeler et la peinture. Il mélange toutes les couleurs pour faire du marron. Sa grande passion reste quand même la musique, il reste concentré beaucoup plus longtemps sur des instruments que sur les activités manuelles. C’est drôle de voir à quel point des enfants avec les mêmes ingrédients de base peuvent être si différents !
Picasso disait d’eux : « Quand j’avais leur âge, je dessinais comme Raphael, mais il m’a fallu ma vie pour dessiner comme eux ». Qu’en penses-tu ?
Je pense effectivement que les enfants ont une capacité à créer sans aucun filtre que nous perdons en devenant adultes. Ils créent pour le plaisir de créer, sans attente de résultat, en sachant rester dans l’instant présent et sans se soucier des opinions extérieures. Je comprends que Picasso ait eu besoin de toute une vie pour dessiner comme eux, et il a très bien réussi !
Chez TOUT COMME des grands, nous aimons laisser aux enfants la liberté de se réapproprier nos ateliers. Nous proposons une thématique mais chacun fait comme il veut. As-tu des recommandations ?
Je trouve géniales les idées que vous proposez dans vos ateliers et les résultats (bah oui, moi je suis devenue adulte…) sont époustouflants ! C’est effectivement super de montrer le chemin aux enfants, pour qu’ils voient ce qu’il est possible de faire, et d’ensuite les laisser faire comme ils veulent. C’est, selon moi, la différence entre l’artisanat et l’art : l’artisanat, c’est la maitrise d’une technique, et l’art, c’est la liberté qu’on prend grâce à la maitrise de cette technique, laquelle devient alors un merveilleux outil pour s’exprimer. Je crois que ça vaut pour tous les arts, pas seulement pour les arts plastiques, mais aussi la musique, l’écriture, les arts de la scène, etc…
Les dernières questions
As-tu un conseil pour les parents d’artistes en herbe ?
Oui ! Laissez vos enfants explorer !
Ce n’est pas grave si le résultat de leur recherche n’est ni instagrammable, ni accrochable sur un mur. Le plus important, c’est qu’ils aient plaisir à créer. Combien d’amis j’ai entendu qui me disaient qu’ils étaient nuls en dessin. Je comprends qu’on puisse ne pas aimer dessiner, mais ne pas le faire simplement parce qu’on est nul, ça c’est dommage ! Nuls par rapport à quoi, au fait ? Et par rapport à qui ? Pour être exposé dans un musée ? Ou pour exprimer une idée ? Et donc, parce qu’on n’est pas excellent selon je ne sais quels critères, il vaut mieux tout arrêter ? Si nos enfants prennent plaisir à créer, essayons de les en encourager au maximum, et de nous souvenir nous-même que c’est l’action de créer qui est bénéfique, pas forcément le « résultat ». Et vous aussi, hein ! Si vous êtes nuls en dessin mais que vous prenez du plaisir à gribouiller, ne vous arrêtez surtout pas ! Pas besoin de les vendre, gardez-les pour vous si vous voulez, ou jetez-les (pensez à recycler, eheheh), mais Bon Dieu : vous aussi, gribouillez !
Si vous pouvez leur faire découvrir le plus de techniques possibles, le mieux. C’est parfois difficile de tout avoir à la maison, donc n’hésitez pas à aller à des ateliers comme ceux organisés par TOUT COMME DES GRANDS. Je sais aussi que pour certains parents, c’est vraiment compliqué de trouver des idées, que ce n’est pas forcément leur truc et donc pour qui ce n’est pas évident d’animer ce genre d’activité avec leurs enfants. C’est là aussi où les ateliers et les blogs peuvent être d’une immense aide. Et allez dans les musées et les galeries aussi, ça ouvre énormément l’esprit, ça oblige au questionnement, et en plus, ça fait une sortie sympa en famille.
Pour la maison, faites au plus simple, en utilisant le matériel dont vous disposez. Avec des bouts de cartons, on peut déjà faire tellement de choses : des sculptures, des collages, des pochoirs, … les possibilités sont infinies. Et plus c’est simple, plus ce sera facile pour vous. Parce que je sais que parfois, on est un peu dégoûté : on a investi dans le meilleur matos, on a sorti tout l’attirail dans la cuisine, et au final, ça a duré 3 minutes, ça s’est fini en drame, c’est finalement vous qui avez terminé de colorier la licorne a paillette et en plus, le mur de votre salon ressemble aux grottes de Lascaux en beaucoup moins bien… Donc le mieux, c’est de se trouver un système facile à dégainer, et rapide à remballer. Nous, on a une boite dans la cuisine où on range les outils qu’on utilise le plus souvent (crayons, papier, feutre, ciseaux, colle, en gros) et des grands sets de table, que je sors bien volontiers. Et puis ensuite, j’ai un petit placard un peu hors de portée, où je mets les trucs qui demandent un peu de supervision (et une nappe en toile cirée, pour la table ou pour le sol, ça dépend) et que je sors quand on en a besoin. A vous de trouver ce qui marche le mieux pour vous.
Pour ce qui est de la photo, mon père a offert à ma fille quand elle avait 3 ans, un vieil appareil photo numérique devenu obsolète par sa faible résolution et qui s’ennuyait dans un tiroir. Il est petit, compact (on l’allume et on appuie sur le bouton) et ne craint pas grand-chose. Quand elle pense à le prendre avec elle, c’est vraiment super drôle de regarder les photos ensuite. C’est comme se balader dans sa tête, on voit le monde à sa hauteur, on voit ce qui lui attire l’attention, et beaucoup de narines, de doigts devant l’objectif, des trucs flous aussi, et ça fait partie du jeu. On transfère les photos sur un disque dur qu’elle aura sûrement plaisir à revoir plus tard. Je suis en train de me mettre en marche pour en chercher un deuxième pour son petit frère sur les sites d’occase, parce que lui aussi, aimerait bien s’y mettre ! Je leur prête aussi parfois mon téléphone (qui a une grosse coque de protection de toutes façons), mais j’ai souvent un problème d’espace avec toutes les photos que je prends moi-même, et puis ils partent avec et ne savent plus où ils l’ont mis après, ou commencent à envoyer des messages incompréhensible à des gens pas forcément compréhensifs, vous connaissez le problème j’imagine… Alors bref, ça va de temps en temps mais je préfère qu’ils pensent à prendre leur appareil.
Ton objectif en 2020 ?
J’ai une grande exposition prévue à l’Espace Landowski, à Boulogne Billancourt, du 21 septembre au 18 octobre. Je suis en train de préparer un projet autour de l’idée de transparence. J’espère vraiment qu’elle sera maintenue. C’est une exposition en duo avec un sculpteur, j’ai hâte de découvrir les pièces qu’il est en train de préparer.
A cause du Covid-19, il est très probable qu’il n’y ait pas de vernissage possible. Alors on est en train d’envisager d’organiser plutôt des rencontres en petit comité avec les artistes et des visites guidées privées. Ce virus chamboule tout mais nous oblige aussi à nous réinventer. Tout est bon pour stimuler la créativité !
Toujours étant que, si l’exposition est maintenue, vous serez les bienvenus, et si elle doit malheureusement être annulée, le travail ne sera de toutes façons pas perdu, et on trouvera bien un autre moyen de l’utiliser, n’est-ce pas ?
Bleu ou jaune ? Rond ou carré ? Peinture ou dessin ?
Jaune, carré et dessin.
On invite quel artiste au prochain live ?
J’ai plein d’idées !
Vous pourrez essayer de rencontrer Alexandre Willaume, qui, avec un de ses amis forme l’Atelier Wanc. Ils font des peintures et des sculptures absolument géniales et d’une gaité hors du commun.
https://atelierwanc.tumblr.com/
Si le volume vous intéresse, Jean-Sébastien Beslay, avec qui je prépare la fameuse exposition de Septembre. Il fait des sculptures en bronze, qui est une technique avec beaucoup d’étapes différentes et qu’on n’est donc pas forcément habitués à côtoyer.
Et, last but not least, mon papa bien sûr ! Puisque c’est lui, avec ma mère, qui m’a formé l’œil aux belles choses et qu’il fait de magnifiques peintures et collages abstraits qui ne peuvent qu’inciter à la rêverie.