Marie-Pascale DUBÉ
Présentation de l'artiste
Comment t’appelles-tu ? As-tu un nom d’artiste ?
Je m’appelle Marie-Pascale Dubé. C’est mon nom d’artiste et de tout le reste.
J’ai grandi au Québec et je vis en France depuis 2009, j’ai la double nationalité. J’aime penser que M-P peut aussi être pour Montréal-Paris ! Et que mon accent sur le « e » de Dubé que je dois souvent mentionner, car on lit la plupart du temps « Dube », me permet en quelque sorte d’assumer que j’ai « un accent ».
Que fais-tu ? Où as-tu grandi ? Comment ?
Je suis actrice et réalisatrice. Avec un parcours et ses déviations. Je suis née à Montréal et j’ai grandi au Québec où j’ai étudié le cinéma, la réalisation. Je suis arrivée en France à la fin de mes études en 2009 où je me suis mise à travailler comme monteuse et assistante réalisateur pendant six ans, notamment pour Arte et le réalisateur Stan Neumann. Le montage m’a bien appris de la mise en scène. Il est important pour moi de nourrir mes curiosités et de continuer à faire plus d’une chose, tout communique. J’ai réalisé en parallèle mon premier long-métrage documentaire pendant 7 ans, « Rouge Gorge », qui raconte mon histoire liée au chant de gorge inuit. J’ai aussi repris une formation de théâtre pendant quelques années en même que mon travail de cheffe monteuse. Mon père est comédien, a été professeur d’art dramatique pour les petits toute sa vie, cela a également toujours fait partie de la mienne. Disons que le jeu est mon premier amour… et j’y retourne !
Mon initiation au chant de gorge inuit teinte encore aujourd’hui mon parcours artistique. Une pièce jeune public « Un flocon dans ma gorge » a été écrite et mise en scène par Constance Larrieu (une production du CDN de Sartrouville) inspirée de mon histoire, dans laquelle je joue tous les rôles. Seule comédienne sur une scène que je partage avec le musicien David Bichindaritz. Nous avons joué cette pièce pour Odyssées en Yvelines en 2020 et nous devrons reprendre une tournée à partir de mi-mars 2021 si les conditions sanitaires le permettent. J’incarne aussi le rôle titre, que je partage avec Lorry Hardel et Seydoux Boro, dans la prochaine pièce de Laëtitia Guédon « Penthésilé.e.s / Amazonomachie », une création pour le in d’Avignon 2021.
Aujourd’hui, le « bluegrass », que l’on peut considérer comme l’ancêtre de la country, fait partie du quotidien que je partage avec mon amoureux, le musicien Joachim Florent, et nous ramène dans la joie en ces temps complexes. Nous avons monté un duo depuis le premier confinement, les « Bluegrass Lovers » .
Un point en commun avec le chant de gorge inuit : il n’y a pas une voix qui domine. Les voix vont ensemble, sur le même plan. Et c’est un chant qui se transmet de génération en génération, souvent par la famille, comme la célèbre Carter Family par exemple.
La transmission par le chant est un domaine qui m’intéresse particulièrement, et ce que cela permet de raconter en périphérie du chant. C’est notamment l’histoire de « Rouge Gorge » , et celle que je suis en train d’écrire aujourd’hui grâce à la découverte du bluegrass pendant le confinement. Je continue comme je peux de nourrir mes curiosités sans me contraindre à une seule forme d’art. Plus j’avance, plus je sens que c’est par le jeu que je peux explorer toutes mes matières, et épanouir mes envies les plus profondes. Ce qui est génial, c’est qu’il n’y a pas de limite. La voix, la musique, les rencontres, tout peut nourrir ma matière humaine, donc mon jeu sur scène ou à l’écran. J’aimerais développer le jeu au cinéma, autant de textures tout en subtilité, les couleurs de l’intime.
L'art et les enfants
Etais-tu déjà « artiste » quand tu étais petite ?
J’ai grandi dans une famille d’artistes, cela m’a sans doute permis de laisser aller ma créativité, mais je pense que tous les enfants ont un côté artiste. J’ai eu la chance d’être dans un milieu où j’ai pu développer ma fibre artistique.
As-tu ou travailles-tu avec des enfants ? Qu’ont-ils de particulier ?
L’an dernier j’ai joué pour la première fois un spectacle jeune public, « Un flocon dans ma gorge », qui a tourné tout l’hiver auprès des enfants à partir de six ans. Il y avait toujours un échange après la pièce avec eux, plusieurs moments ont été magiques. J’ai été touchée par leur spontanéité, leurs commentaires qui ne cherchent jamais à montrer, à prouver, simplement la curiosité, parfois là où on ne s’y attend pas. Et leur capacité d’accueillir les propositions, de plonger dans les émotions, dans tout ce que nous pouvions suggérer sur scène, sans sentir de frein de leur part. Une telle ouverture, une réception émouvante, quelque chose de pur, qui m’a beaucoup apporté et qui continue de le faire. D’ailleurs, si les conditions sanitaires le permettent, nous devrions reprendre une tournée vers Besançon à partir de la mi-mars…
Sinon, pendant le premier confinement, avec la fille de mon chum, Anita qui avait 5 ans à l’époque, nous avons fait un petit film en stop motion. C’était toute une aventure qui nous a rassemblé autour d’un projet commun, léger et joyeux, que l’on a pris au sérieux ! Une fierté aujourd’hui pour Anita encore de montrer ce film, fait avec nos héros en pâtes alimentaires, que l’on a appelé « Bande de nouilles ». J’ai du travailler ma patience, et mon ouverture. Le fait d’écrire le scénario avec un enfant m’a poussé à mettre de côté la perfection, l’efficacité, et bien écouter pour que les idées d’Anita soient autant considérées que les nôtres. Ne pas faire à sa place n’est pas toujours évident ! Au final, cela a pris plus de temps que prévu et a largement dépassé le temps du confinement, mais cela restera pour longtemps. Le film circule et continuera de circuler sans prétention professionnelle, ça aussi ça fait du bien.
Picasso disait d’eux : « Quand j’avais leur âge, je dessinais comme Raphael, mais il m’a fallu ma vie pour dessiner comme eux ». Qu’en penses-tu ?
L’instinct de l’enfant, sa capacité à être sans a priori lui permet sans doute une expression artistique d’une liberté précieuse, qui peut-être se perd et s’apprend à nouveau au fil du temps ?
Chez TOUT COMME des grands, nous aimons laisser aux enfants la liberté de se réapproprier nos ateliers. Nous proposons une thématique mais chacun fait comme il veut. As-tu des recommandations à nous donner ?
Je trouve super l’idée de se réapproprier une idée au lieu de demander aux enfants de reproduire à l’identique. Être dans la production plutôt que reproduction, laisser libre cours à leur imagination ! Ce que je pourrais dire c’est de continuer à encourager les façons différentes de faire, de ne pas restreindre les enfants à penser qu’il y a « la » bonne façon de faire, de dessiner, de bricoler, de penser une idée, une forme, une couleur etc. Par ailleurs, d’être clair sur les techniques, c’est aussi précieux pour eux je pense. Des repères pour ensuite avoir encore plus d’outils pour créer ! Peut-être comme lorsqu’on apprend à lire la musique, à faire ses games…
Les dernières questions
As-tu un conseil pour les parents d’artistes en herbe ?
S’intéresser à ce que leurs enfants créent, imaginent. Poser des questions, montrer que ce qu’ils font est intéressant, mérite l’attention. Sans, je crois, toujours dire que c’est magnifique. Je pense que l’avis sincère du parent peut être tout aussi formateur et permet à l’enfant d’essayer autre chose sans toujours attendre « que ce soit merveilleux, parfait, magnifique ». Oser, encore et toujours !
Parfois, je me dis que, peut-être qu’à force de ne faire que des compliments hyperboliques, l’enfant finit par se restreindre ou avoir peur de ne pas faire assez bien par rapport à « d’habitude ». Le plus important je crois c’est que l’enfant soit encouragé à créer, à se définir de plus en plus dans sa singularité, qui est sa création. Ensuite, le fait d’exposer l’enfant à différentes formes d’art, de médium, de styles artistiques, c’est autant de stimulations pour lui. Le stimuler plutôt que le forcer à faire, c’est sans doute une des plus belles façons de lui donner envie de faire. Que ça vienne de lui, bien qu’il faille pousser parfois un peu pour ne pas que l’enfant abandonne. Toujours cet équilibre pas toujours évident à trouver. Quand même ne pas oublier que nous pouvons être un exemple pour l’enfant, que l’on doit aussi s’appliquer ce que l’on souhaite lui transmettre ! Ce n’est pas ma fille, mais je vis avec Anita une semaine sur deux et je réalise combien elle se souvient de ce que je dis, ce que je fais, cela est d’une grande importance pour elle, pour moi aussi. Être un exemple est aussi pour moi une source de motivation, d’inventivité. J’ai un rôle à jouer dans la vie de cette petite fille que j’aime beaucoup.
Ton objectif/ Tes projets en 2021 ?
J’aimerais développer le jeu au cinéma, tel que je l’ai mentionné plus haut. Continuer à m’épanouir avec mes projets sur scène, sans mettre de côté le spectacle vivant qui me manque tant depuis ces derniers mois. La transmission directe ne se remplace pas. Une chorégraphe avec qui j’ai travaillé, Mylène Benoît, a dit récemment avec justesse : pour que le spectacle soit vivant, il faut que des êtres vivants soient sur scène et que d’autres êtres vivants soient de l’autre côté de la scène. C’est un partage en direct d’un ensemble de vivants (au plateau) à un autre (le public). Filmer du spectacle vivant ne peut plus être du spectacle vivant, cela devient autre chose.
Si j’ai envie de faire du cinéma comme actrice c’est pour explorer cette autre chose au niveau du jeu et non plus seulement de la réalisation.
Sans arrêter de faire du théâtre, le cinéma m’attire pour sa palette de jeu plus intime, qui permet d’explorer d’autres textures.
Il y aura la création de Penthésilé.e.s/ Amazonomachie au in d’Avignon cet été qui nous promet une belle tournée avec ce projet, autour de la figure mythologique de Penthésilée, la Reine des Amazones, et plus largement sur la femme, le pouvoir.
Je suis aussi en train de développer un projet pour Radio Grand Lieu, une nouvelle radio locale à Nantes, où je vis maintenant, qui verra le jour à la rentrée 2021. C’est une émission mensuelle radiophonique de création, intitulée « D’ouest en ouest » que je mène avec mon compagnon Joachim Florent, dans laquelle notre répertoire de bluegrass va rencontrer d’autres répertoires traditionnels et nous servir de porte d’entrée pour rencontrer des personnes plutôt isolées. Des gens que l’on n’a plus l’habitude (ou jamais eu l’habitude) d’écouter, et d’en faire leur portrait, le tout guidé par le partage de chansons qui rassemblent, chants populaires, de l’ouest américain jusqu’à l’ouest de la France. C’est un projet en collaboration avec une association (« Cultures du Cœur » et la structure « Respire ») qui a pour but d’amener l’art où il n’y en n’a pas d’habitude, notamment pour les personnes âgées et les demandeurs d’asiles, des familles qui viennent d’arriver.
Théâtre ou cinéma? Drame ou comédie?
Tout ! J’ai une soif de création, de jouer, de matière émotive à partager, que je sens pouvoir s’exprimer au cinéma, au théâtre, dans le drame et la comédie. Je pleure souvent, mais je ris encore plus souvent ! C’est primordial, l’humour, pour traverser les pires tempêtes. Et permettre aussi l’auto-dérision, le recul nécessaire pour continuer d’avancer au mieux.
On invite quel artiste au prochain live ?
Stéphanie Bélanger, elle est au Québec et n’a pas Instagram. Mais pour moi c’est une artiste, un joyau précieux de l’écriture (scénariste, écrivaine…) qui a une parole magnifique, un être humain que j’admire sur tous les plans. Et il faut dire que nous nous connaissons depuis nos 4 ans !